Un an après les élections municipales, qui avaient vu les écologistes emporter plusieurs grandes villes de la région, Laurent Wauquiez triomphe aux régionales avec 55,17% des voix. Le président sortant réalise même le grand chelem, arrivant en tête dans tous les départements d’Auvergne-Rhône-Alpes, y compris la métropole de Lyon. Pas de quoi menacer les majorités écologistes, qui dominent toujours dans les grandes villes et notamment à Lyon. D’autant que Laurent Wauquiez avait clairement les yeux tournés vers Paris. L’analyse de Romane Guigue et Raphaël Ruffier-Fossoul.
Wauquiez tourné vers Paris
« Seul un cap clair permettra de trouver une nouvelle espérance. » La conclusion du discours de victoire de Laurent Wauquiez était plus qu’une « carte postale », ces messages subliminaux envoyés par les politiques pour rappeler leurs ambitions nationales. En érigeant en priorités « la sécurité », « le communautarisme » et « les classes moyennes », le président de Région pensait sans doute plus à la présidentielle dans huit mois qu’aux six prochaines années dans son bureau de la Confluence. Tout dans sa soirée électorale était destiné à adresser des messages nationaux et affirmer l’ambition de « reconstruire le pays ».
Ainsi, pour la première fois, le vainqueur du scrutin régional ne s’est pas rendu à la préfecture où sont centralisés les résultats et où sont traditionnellement rassemblés les journalistes locaux. Fort du statut de président de droite le mieux réélu de France, ce n’est pas à eux que Laurent Wauquiez souhaitait s’adresser. Signe que la période de « repli local » et de disette médiatique nationale qu’il s’était imposée depuis le fiasco des européennes et sa démission de la présidence de LR, est désormais terminée. « C’est lui qui fait un des meilleurs scores de présidents sortants : quoi qu’il se passe, il est incontournable et sa voix comptera », pronostique l’autre vainqueur du soir, Christophe Guilloteau (LR), réélu confortablement à la tête du département du Nouveau Rhône. « En tous cas, il ne m’a mis au courant de rien du tout. Ça ne serait pas raisonnable qu’il dise quoi que ce soit avant d’être installé. »
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L’abstention impose-t-elle des remises en question ?
« J’ai une pensée inquiète pour l’abstention. J’entends beaucoup qu’il faut se remettre en question. Et je pense qu’on a particulièrement besoin de plus de démocratie directe. » Le maire de Lyon, Grégory Doucet, n’était naturellement pas le seul à faire dimanche soir de l’abstention la leçon principale du scrutin, alors qu’elle a culminé à 66,63%, en très léger recul par rapport au premier tour (67,42%). « Il faut arrêter de ne donner rendez-vous aux gens que tous les six ans pour une élection : la vie démocratique, c’est tous les jours ! », concluait dans la même veine Fabienne Grébert (EELV), rejointe pour une fois par Andréa Kotarac (RN) : « L’abstention est une claque pour tous les candidats : 80% des jeunes se sont abstenus, 72% des ouvriers se sont abstenus. C’est le sujet sur lequel il faudra travailler pour connaître les raisons d’une telle crise démocratique locale dans notre pays. Il faudra garder en tête la “légitimité” de cette assemblée et de cette majorité. »
« Est-ce que les électeurs ont bien compris à quoi et comment servaient les collectivités ? Je ne suis pas sûr », relevait pour sa part Christophe Guilloteau. « Elles ont pourtant montré qu’elles étaient essentielles pendant la crise. » Et d’ajouter, loin d’être le seul à droite à pointer avant tout la responsabilité de l’État dans ce fiasco démocratique : « En parallèle, la défaillance de l’État n’est pas à exclure. Dans les communes de mon canton, aucun des documents de propagande n’a été reçu. »
Laurent Wauquiez, pour sa part, n’avait clairement pas l’intention de relativiser sa victoire, lançant dans son discours que la Région « n’a jamais été aussi unie ». Son score ne représente pourtant que 17,78% des électeurs inscrits et il a perdu 240.000 voix depuis 2015. Avec 961.219 voix, il fait d’ailleurs moins que son opposant PS vaincu en 2015, Jean-Jack Queyranne (1.089.756 voix).
Les Verts confirment leur ancrage…
En début de campagne, les écologistes se sont longtemps demandé s’ils avaient choisi la bonne candidate pour ce scrutin. Au final, Fabienne Grébert aura assuré l’essentiel. Au premier tour, elle s’est imposée comme l’opposante numéro 1, passant devant Najat Vallaud-Belkacem (PS) mais aussi Bruno Bonnell (LREM) et Andréa Kotarac (RN), ce qu’aucun sondage n’avait annoncé. Au second tour, elle fait presque deux points de plus que l’addition mathématique des scores des trois listes de gauche qui avaient fusionné. Surtout, ses listes restent en tête dans les grandes villes de la région, permettant notamment à Bruno Bernard et Grégory Doucet de poser bras dessus bras dessous dimanche soir à la préfecture pour célébrer leurs scores à Lyon et Villeurbanne. « C’est une très bonne nouvelle et c’est très encourageant », se félicite ainsi Fabienne Grébert. « Cela montre que, quand un maire écologiste est au pouvoir, un an plus tard, ses résultats sont confortés. Nous devons nous appuyer sur les succès des maires écolos, et c’est une vraie chance. »
« On progresse, nos idées progressent », constate aussi Pascale Bonniel-Chalier, tête de liste à la Métropole. « Il y a un ancrage politique. Nous sommes la nouvelle matrice de cette gauche. » Thomas Dossus, sénateur du Rhône, glisse quant à lui : « Cela prouve que, malgré tout ce qu’on a pu dire, le socle est toujours là. »
À Lyon, les écologistes sont en effet restés en tête, avec 47,63%, contre 45,42% pour Laurent Wauquiez. La droite se félicite pour sa part de « reprendre » le 5e arrondissement, en plus des 2e et 6e qu’elle avait conservés l’année dernière.
Alors que la droite l’emporte facilement sur l’ensemble de la métropole, avec 50,43% des voix contre 40,2% pour la liste écologiste, cela n’a pas suffi à contrarier le président de la Métropole, Bruno Bernard, qui s’attendait à une telle déconvenue et retient plutôt un très bon score dans des circonstances contraires, « avec une importante prime aux sortants partout en France ». Il notait surtout que les écologistes et la gauche restaient en tête dans les plus grandes communes, et notamment, outre Lyon, à Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Saint-Fons, Oullins et Givors. À l’échelle de la région, même satisfecit, puisque les écologistes maintiennent leur avance à Grenoble, Chambéry et Clermont-Ferrand.
… moins leur leadership
Difficile toutefois d’en faire une victoire personnelle pour Fabienne Grébert, d’autant que la droite repasse en tête dans sa commune, Annecy, qu’elle avait contribué à faire basculer l’an passé. Elle remporte certes la « primaire » à gauche avec le PS, mais n’a pas démontré que des écologistes pouvaient faire mieux au second tour puisque son score (33,65%) demeure inférieur aux 36,84% réalisés par le socialiste Jean-Jack Queyranne en 2015. Le constat est néanmoins encore plus vrai pour Julien Bayou en Île-de-France (33,68%, contre 42,18% pour Claude Bartolone en 2015).
Si les écologistes ont prouvé qu’ils pouvaient l’emporter dans des grandes villes et sont peut-être devenus la principale force d’opposition à gauche, ils n’ont pas montré durant ces régionales que leur leadership pouvait être gagnant au niveau national. Interrogé sur la candidature de Yannick Jadot à la présidentielle, Bruno Bernard le reconnaissait d’ailleurs : « Tout dépendra du contexte. Il est impossible de savoir aujourd’hui ce qui se passera dans huit mois. Il fait partie de la quarantaine de person