Retour sur la rencontre organisée par la Rédaction : « Faut-il dégenrer les cours d’école ? »
Ce jeudi 9 décembre, L’Arrière-Cour a reçu Violaine Dutrop, autrice et spécialiste des questions autour du genre et Stéphanie Léger, l’adjointe au maire à l’Education pour un échange fructueux autour des inégalités entre les genres, et ce dès le plus jeune âge.
À la rentrée 2021, la ville de Lyon avait inauguré ses premières cours d’école « non genrées », avec l’ambition de rééquilibrer l’espace utilisé entre les filles et les garçons. La mesure avait suscité d’interminables polémiques autour d’une supposée disparition des cages de foot dans les écoles, laissant de côté les véritables enjeux sur l’égalité des sexes.
Mais est-ce véritablement le cas ? le football serait-il amené à disparaître ? Et si les filles s’éclataient aussi en jouant au football dans les cours de récréation ? Et s’il ne fallait pas plutôt se concentrer sur le programme éducatif pour faire évoluer les mentalités ? Et si le changement passait plutôt par des temps de formation des enseignants et des animateurs ? Nous avons pris en compte vos réactions pour tenter de répondre à cette problématique.
En réalité, la réorganisation des cours d’école va bien plus loin que la simple suppression des cages de foot. Cette nouvelle mesure répond en effet à un réel constat ; celui d’une répartition inégale de l’espace entre les garçons et les filles. Les garçons se retrouvent souvent au milieu de la cour de récréation à jouer au football ou à des jeux de ballon et les filles sont dispatchées dans les quatre angles de la cour.
« Travailler sur l’égalité dès le plus jeune âge ça passe par donner des outils aux enfants pour qu’ils puissent trouver leur place par la suite dans l’espace public. Et ceci pas forcément en fonction de leur genre.» Violaine Dutrop
Et cela ne concerne pas seulement l’opposition entre les filles et les garçons. Oui certaines filles jouent au football, mais en minorité ou le plus souvent pas en même temps que les garçons. Ce ne sont pas non plus tous les garçons qui jouent au foot. Cette question se focalise en fait sur les 20% des enfants, le plus souvent une partie des garçons des niveaux scolaires les plus élevés qui se retrouvent donc dans une position dominante par rapport aux plus petits, qui monopolisent 80% de l’espace disponible selon Edith Maruéjouls, une géographe et spécialiste des questions de genre.
« Les garçons et les filles pourront toujours jouer au ballon, mais de façon plus équitable en fait. Aujourd’hui, il y a des activités dans les cours d’école qui occupent le plus grand espace, donc qui dominent les autres espaces. Et ce sont toujours des petits groupes qui sont généralement des garçons. La question qui se pose maintenant, c’est comment on permet par une réorganisation de l’espace à ce que tous les enfants puissent trouver l’expression de leurs envies de jouer, de leurs besoins … » - Stéphanie Léger
Pour Violaine Dutrop et Stéphanie Léger, cette organisation de l’espace doit nous interroger sur les valeurs et l’organisation de la société que nous inculquons durant ce temps de jeu qui est aussi un temps de l’éducation. Cette répartition n’est en effet pas anodine, selon Violaine Dutrop. Elle est en fait une reproduction des normes de genre de notre société. « Dès l’arrivée dans les cours de récréation, on apprend très progressivement et très rapidement aux enfants à adhérer à des normes de genre de tous types mais différentes selon le sexe de l’enfant à la naissance. Dans les jouets, les médias, les dessins animés, les lectures … tellement de différenciations entre les genres que les enfants finissent par reproduire ce qui est attendu d’eux dans les cours de récréation »
« La réorganisation des cours d’école, c’est un premier grand pas vers l’égalité entre les hommes et les femmes, mais cela ne peut pas suffire. Il faut aussi faire évoluer les mentalités. Il y a un grand travail de formation sur la communauté éducative au sens large. » - Violaine Dutrop
Pour Stéphanie Léger qui a tenu à faire taire la polémique, cette nouvelle réorganisation des écoles permet au contraire de mieux prendre en considération l’ensemble des besoins des enfants. « Il n’est pas question de supprimer le football ou tout autres activités des cours d’école. Mais plutôt de réorganiser l’espace de la cour avec des endroits plutôt calmes, d’autres pour les créatifs et d’autres pour ce qui veulent se défouler ».
La première école à avoir été rénovée est celle de la Sauvagère, dans le 9ème arrondissement de Lyon, mais cette mesure va toucher plus de 207 écoles Lyonnaises. C’est d’ailleurs un travail mené avec les enfants.
« On a invité les enfants à se questionner sur leurs propres besoins, leurs réelles envies au sein d’une cour de récréation. Ce travail la permet aux enfants de se rendre compte de leurs réelles envies. Ce n’est pas parce que je suis un garçon que j’ai forcément envie de pratiquer le foot. Suite à l’expression des enfants sur leur envie, on se rend compte que les activités sportives ne sont pas du tout les premières envies qui leur viennent à l’esprit. » - Stéphanie Léger
Julia Blachon