Denis a été incarcéré à la prison Saint-Paul voici plus de 40 ans. Marie Bienaimé a photographié le bâtiment désaffecté en 2012. En ce début du mois de mai 2023, ils racontent leurs souvenirs de ce lieu emblématique de la presqu’île de Lyon. Un article signé Marie Jicquello et illustré d’une sélection de clichés de Marie Bienaimé.
Denis y a vécu enfermé pendant quatre mois. Marie s’y est promenée, les yeux dans le viseur et enceinte jusqu’au cou, durant quelques heures. « Toi, tu en as vu beaucoup plus que moi ! », s’exclame pourtant le sexagénaire à la voix rauque et au large sourire, en s’adressant à la photographe en ce mercredi ensoleillé de mai.
À quelques centaines de mètres de l’ancienne prison Saint-Paul à Lyon, dans ce bistrot de la place Carnot, Denis, manutentionnaire dans un hôtel, et Marie Bienaimé, photographe de métier, se rencontrent pour la première fois. Le sujet de leur conversation ? Le bâtiment de l’actuelle université catholique, situé 10 place des Archives à Perrache, où Denis a été incarcéré alors qu’il n’avait que 19 ans. C’était en 1982. La photographe y est entrée le 27 septembre 2012, avec une dizaine de confrères, pour une ultime visite de ce bâtiment désaffecté trois ans plus tôt. « J’ai accouché deux jours après de ma fille : je ne pouvais pas me mouvoir comme je voulais mais j’étais sûre, en y allant, que les murs de ce lieu emblématique allaient me parler », se remémore celle qui définit son travail comme « lié à l’humain » et inspiré par « la recherche de traces ».
Selon Denis, les cellules se situaient à l’étage du bâtiment. « Je me souviens qu’on descendait pour aller aux ateliers, à la cour et à la douche. » L’ex-prisonnier garde un souvenir précis de l’intérieur de sa cellule exiguë, qu’il partageait avec trois autres détenus.
Trois lits pour quatre
Marie se souvient de l’architecture particulière du bâtiment en étoile, de sa circulation en S et des quelques étages. Des détails inconnus de l’ex-prisonnier : « Quand vous êtes à l’intérieur, vous n’êtes pas en visite », indique l’homme au crâne rasé et aux yeux rieurs derrière de petites lunettes rondes. « Vous ne voyez presque rien. Mes trajets quotidiens se résumaient à cellule-douche, cellule-atelier et cellule-cour. » Ces quatre murs entre lesquels « les journées étaient intermina