« Nous engagerons un réarmement civique. » Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a appelé à une mobilisation quasi militaire. Dans la tribune que nous publions, le biologiste Olivier Hamant nous invite à déminer ce choix sémantique. Elle est illustrée par Adèle Barthlen.
Pour justifier le tournant du « réarmement », les causes sont identifiées : « Nos sociétés sont devenues un peu liquides. » Ironiquement, les lecteurs de Sandra Lucbert (Personne ne sort les fusils) noteront que c’est précisément le capitalisme ultralibéral qui a promu « l’âge du flow » où tout devient liquide et flexible au service d’une finance déconnectée des réalités sociales et écologiques. Dit autrement, la perte de repère n’est pas étrangère à la dérégulation financière. Emmanuel Macron semble donc condamner le symptôme d’un modèle économique qu’il soutient et alimente par ailleurs.
Si les causes profondes de ces « liquidités » peuvent être débattues, le point le plus important reste en suspens : une stratégie du réarmement dans quel but ? Créer un élan national autour de la notion de République ? L’image de la contrainte militaire vient plutôt tuer ce désir dans l’œuf. Le président ne souhaite pas faire émerger un sentiment d’appartenance à la République ; il veut plutôt embrigader la prochaine génération par une stratégie de pouvoir et d’ordre. Mais cela ne nous dit toujours pas exactement à quoi pourraient servir ces brigades. Nous en sommes donc réduits aux conjectures.
« Le réarmement civique au service de la résilience dirait en creux que notre avenir va être turbulent »
Première hypothèse : le réarmement serait ici pensé au service d’une France compétitive et performante. Une France qui gagne. Cela peut-il créer du désir ? La biologie montre que compétition et performance sont parfaitement adaptées à un environnement stable et abondant en ressources (voir le cas des parasites, par exemple). Dans un monde instable et en pénurie chronique de ressources, les êtres vivants font principalement de la coopération (les symbioses). La concurrence libre et non faussée n’aurait donc plus tellement de sens dans un 21e siècle toujours plus fluctuant.
Par ailleurs, comme le dit la loi de Goodhart, « quand une mesure devient une cible, elle cesse d’être fiable ». Pensez au dopage dans le sport de compétition ; la compétition appelle surtout à l’intoxication. Le culte de la compétition et de la performance nourrit toujours la violence