Tribune libre. Les Jeux Olympiques de Tokyo s’ouvrent, sans spectateur, et peut-être bientôt sans certains athlètes. La pollution de l’air due aux méga feux et le forfait de Davila Jakupovic littéralement époumonée n’avaient pas non plus arrêté l’open de tennis d’Australie en 2019. Ce qui pose problème, ce n’est pas le sport, mais bien plutôt la compétition et la cascade d’engagement qu’elle induit. Olivier Hamant de l’ENS de Lyon estime que c’est l’occasion de réinventer les JO en profondeur.
La pratique sportive peut être une véritable passion, partagée et enthousiasmante. Mais qu’en est-il de la compétition sportive ? Les JO de Tokyo nous offrent l’occasion d’une analyse critique. Messes quadriennales du sport de compétition, les JO sont indéfectiblement associés à son fondateur, Pierre de Coubertin, un homme de son temps. Il n’était pas franchement féministe (« Il est indécent que les spectateurs soient exposés au risque de voir le corps d’une femme brisé devant leurs yeux. En plus, peu importe la force de la sportive, son organisme n’est pas fait pour supporter certains chocs. »), pas du tout anticolonialiste (« Dès les premiers jours j’étais un colonial fanatique ») et encore moins groupie du multiculti (« Les races sont de valeur différente et à la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance« ).
Ces convictions privées se sont naturellement invitées au sein des JO. Ainsi, les 12 et 13 août 1904, sont organisées les « journées anthropologiques » : deux journées adossées aux JO où les peuples colonisés sont invités à lancer leurs sagaies et leurs flèches. Les performances sont mesurées et comparées à celles des athlètes blancs. La conclusion est donnée par le « Spalding’s Official Athletic Almanac for 1905 » : « Les maîtres de conférences et les auteurs devront à l’avenir omettre toute référence à une capacité athlétique naturelle chez le sauvage, à moins de pouvoir attester leurs exploits présumés. »
A l’heure où nous disons vouloir confronter notre histoire coloniale, raciste, et machiste, il est étonnant que cette page de l’histoire des JO ne soit pas plus souvent revisitée. Les anneaux Olympiques ne symbolisent-ils pas plutôt des chaînes ? Ici, la performance