Éditorial, par Raphaël Ruffier-Fossoul. À l’occasion de l’hommage national rendu à Samuel Paty, L’Arrière-Cour publie une BD réalisée en 2015 par Yan Le Pon sur l’apprentissage de la liberté d’expression dans deux lycées de l’agglomération lyonnaise.
Pour une fois, j’emploierai la première personne du singulier. Un « je » de modestie pour signaler un texte qui n’a d’autre prétention que de livrer un témoignage, en espérant qu’il soit utile, quelques jours après l’assassinat d’un enseignant, mort de n’avoir fait que son devoir. Voici cinq ans, au lendemain des attentats à Charlie Hebdo, j’avais pris l’engagement de répondre à toutes les invitations des établissements scolaires de l’agglomération. À l’image de nombreux confrères, je suis intervenu depuis dans des dizaines de classes, échangeant avec plus d’un millier d’élèves du CM2 à l’université, comme la semaine dernière encore au collège Alain à Saint-Fons, à l’invitation de l’association Reporters solidaires.
Je ne pense pas que les journalistes soient forcément les mieux placés pour apprendre les règles de la liberté d’expression aux élèves. Enseigner est un métier, l’un des plus beaux, et ce n’est pas le nôtre. Mais les enseignants qui nous invitent nous font l’honneur de penser que notre parole peut être complémentaire et utile, surtout lorsqu’il s’agit d’aborder ces sujets sensibles avec les classes prétendument les plus « difficiles ». Ce sont celles que j’affectionne le plus, sans doute parce que j’y trouve régulièrement des talents journalistiques qui s’ignorent et dont la profession – en cruel manque de diversité – aura profondément besoin demain. J’ai la fierté de penser que j’ai parfois participé à faire comprendre à certains jeunes qu’ils et elles n’étaient pas exclus de la citoyenneté, qu’ils et elles avaient leur mot à dire et leur rôle à jouer. Comme j’ai le sentiment aussi d’avoir parfois réussi à gratter derrière les couches d’autocensure de quelques « bons » élèves, qui avaient intégré l’idée tout aussi mortifère qu’il était des sujets sur lesquels il valait mieux éviter de chercher à débattre.
« Ce jour-là, il n’y avait plus de « nous » et de « eux », mais une jeunesse de France unanime et déterminée »
De cette expérience est tirée la BD de Yan Le Pon, initialement publiée en janvier 2016 dans Lyon Capitale, dont j’étais alors rédacteur en chef. Je lui avais proposé en novembre 2015 de m’accompagner dans deux classes de lycées de l’agglomération, et